Les plantes usuelles.- L’industrie du sucre.- L’industrie du papier.- Les merveilles du règne végétal. Après avoir classé les plantes selon les affinités naturelles de leur organisation, M. Reynaud les considéra, dans la séance de vendredi dernier, au point de vue de leur utilité, de leurs usages.
Quels services ne nous rendent pas les végétaux ? Ils donnent à l’homme des aliments indispensables en même temps qu’ils lui fournissent les fourrages pour élever les animaux nécessaires, eux aussi, à sa nourriture et à son industrie. Les plantes textiles lui fournissent des vêtements, pendant que les bois de nos arbres servent à élever les abris qui les protègent. Certains végétaux produisent le sucre, l’huile, le vin, les aromes, etc. D’autres recèlent dans leurs racines, dans leurs tiges, dans leurs feuilles, dans leurs fleurs ou dans leurs fruits des principes bienfaisants, qui souvent enrayeront la maladie qui vient nous frapper. Enfin, par la grâce de leur port, par leur éclat majestueux ou leur beauté délicate, les plantes ne sont-elles pas le plus bel ornement ?
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Appréciées pour leur utilité ou aimées pour leur beauté charmante, les plantes méritent donc notre vif intérêt.
Après avoir divisé les plantes en alimentaires, fourragères, textiles, oléagineuses, médicinales, etc., et avoir indiqué les principales d’entre elles, le professeur s’occupa de celles qui nous fournissent la substance que nous nommons le sucre.
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“C’est ainsi, disait M. Reynaud, que l’Industrie réunit dans une commune et fraternelle activité deux mondes qui, il y a à peine quatre siècles, s’ignoraient l’un l’autre. Le moulin de Gonzalès marchait péniblement entraîné par quelques chevaux ; l’usine Cail, à Paris, construit des machines mues par une force de 100 chevaux-vapeur, qui expriment par jour jusqu’à 500 000 litres de jus sucré.”
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Une autre industrie, non moins intéressante et importante, fut étudiée encore dans la séance que nous résumons : c’est l‘industrie du papier.
“Si le sucre est un utile aliment matériel, le papier, disait notre conférencier, ne nous est-il pas plus indispensable encore ? Il nous fournit l’aliment de l’esprit. C’est la nourriture de l’intelligence qu’il nous apporte, depuis surtout que Guttemberg nous a appris à y tracer si rapidement d’ineffaçables caractères.
Depuis le livre où se comptent les pages par centaines, jusqu’au petit journal à un sou qu’une seule feuille suffit à former ; depuis le manuscrit volumineux qui contient quelquefois toute une vie de travail assidu, jusqu’à cette mignonne feuille de papier à lettre, qui va être votre interprète fidèle auprès d’un parent ou d’un ami, toujours, partout, le mince et léger produit du tissu végétal est pour nous le plus puissant véhicule de la pensée. Son histoire se lie à celle de l’intelligence humaine, sa production suit la marche ascendante du progrès de l’humanité !
Le papier, tel que nous le connaissons, est d’origine relativement récente. C’est sur la pierre, c’est sur le marbre, c’est sur l’airain que les anciens gravaient, pour les transmettre d’âge en âge, les souvenirs des faits les plus mémorables, les actions d’éclat de leur héros.
L’invention du papier moderne est généralement attribuée aux Chinois, mais le secret de leur fabrication resta longtemps inconnu en Europe.
“De toutes les substances qui ont servi à conserver ou à transmettre la pensée chez les peuples anciens jusqu’au moyen-âge, la plus importante est assurément le papyrus. La ville de Memphis, en Egypte, revendique la gloire d’avoir fabriqué la première du papier avec les feuilles de cette plante.”
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De nombreuses projections nous permirent, vendredi dernier, de suivre les phases diverses de cette fabrication du papier de bambou par les Chinois.
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Après une esquisse rapide de cette belle et si utile industrie du papier, M. Reynaud entretint ses auditeurs de quelques uns des faits les plus remarquables du monde des végétaux. “Nous ne quitterons pas, dit-il, le beau règne dont l’étude sommaire nous a occupés cet hiver, sans donner quelque attention à ces merveilles, à ces prodiges que les plantes nous offrent souvent par leur croissance rapide ou leur inconcevable longévité.”
Dans ce tissu merveilleux qu’on nomme un végétal, telle est souvent en effet, la prodigieuse énergie de la vitalité que les matériaux s’accumulent, que l’édifice s’élève, se développe avec une rapidité bien surprenante. Un bambou qui végétait dans une serre du Jardin des Plantes, à Paris, allongeait sa tige de quinze centimètres par jour ! On le voyait pousser comme on voit se mouvoir la grande aiguille d’une pendule !
Mais voici qui est plus remarquable encore : un champignon, de l’espèce nommée lycoperde, a atteint en une nuit la taille d’un enfant ! Or, le microscope y a fait reconnaître les cellules – (les champignons sont des végétaux cellulaires, c’est-à-dire uniquement formés de cellules juxtaposées) – par milliards. Lindley, botaniste anglais, en évalua le nombre à plus de 50 milliards.
En fixant la durée de la croissance de ce champignon à 12 heures, c’est cent millions de cellules échafaudées par minute !
Quelle est donc la mystérieuse puissance de la nature ! Et combien la science est loin encore d’avoir surpris le secret de la vie du plus humble des végétaux !
Quel temps n’a-t-il pas fallu, au contraire, au chêne, pour dresser fièrement vers le ciel sa tête altière, pour étendre au loin ses noueux rameaux ! Que d’années ont dû s’écouler pour que le gigantesque figuier des pagodes, si vénéré des Indiens, ait jeté vers le sol ses racines adventives !
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Mais le géant du règne végétal est le baobab. Il surpasse tous les autres arbres par sa splendide végétation. Son tronc évasé mesure parfois plus de 50 mètres de circonférence au niveau du sol. Chacune de ses branches surpasse les dimensions de nos grands arbres !
Que peut être l’âge d’un pareil colosse ? Adanson trouva, dans l’intérieur du tronc d’un baobab, aux Iles du Cap-Vert, une inscription qui y avait été tracée par des Anglais trois siècles auparavant.
Or, cette inscription était recouverte de 500 couches ligneuses, indiquant la végétation d’un pareil nombre d’années. Et partant de cette donnée, le célèbre botaniste français établit que ces végétaux ne pouvaient être âgés de moins de cinq mille ans !
Ainsi la nature nous étonne de toutes parts, ses merveilles ne sont pas moindres, que l’on considère la plante microscopique qu’un instant voit naître, croître et mourir, ou que l’on arrête son esprit sur la vitalité cinquante fois séculaire, qui anime à travers les âges les doyens de la végétation !
M. Reynaud a indiqué, en terminant, pour vendredi prochain 7 mai, la séance de clôture du cours de sciences naturelles. “La canne à sucre, le papier chinois, la belle végétation des tropiques, nous ont, dit-il, entraînés loin de notre patrie. Nous y reviendrons dans notre prochaine et dernière leçon. Nous visiterons ensemble nos champs, nos prés, nos bois. Notre dernier chapitre sera consacré à la flore du Velay et les merveilles de structure des plantes qui nous entourent seront révélées à tous, grâce au secours du microscope éclairé par la puissante lumière électrique.”
En terminant, notre zélé vulgarisateur annonçait au public un projet de séances de jour appelées à faire suite aux leçons de cet hiver et à compléter ainsi l’initiation aux sciences physiques et naturelles, qui retint pendant toute la saison rigoureuse l’attention d’un public studieux. Nous sommes heureux de nous faire l’écho de cette nouvelle ; nous savons que les merveilleux effets du microscope solaire seront dans ces séances d’été une source inépuisable des plus attrayantes et des plus instructives leçons. Nous souhaitons donc à cette nouvelle œuvre de notre jeune compatriote le succès qu’elle nous paraît mériter.