Dans la deuxième séance du Cours de sciences naturelles, M. Reynaud étudia particulièrement les trois astres qui, dans le système solaire, nous intéressent le plus.
Le Soleil, centre attractif, foyer vivifiant pour notre terre, qui reçoit de lui chaleur et lumière. Cet immense globe incandescent, dont le volume vaut un million cinq cent mille fois la terre, nous apparaît dans une lunette parsemée de taches aux formes irrégulières et changeantes. Ces taches ont permis de reconnaître que le soleil tourne aussi sur lui-même, et dans le même sens que les planètes tournent autour de lui en vingt-cinq jours environ.
On le voit, le mouvement est partout dans les régions célestes : les satellites gravitent autour de leurs planètes respectives, les planètes tournent à leur tour, toutes dans le même sens, sur elles-mêmes (rotation) et autour du soleil (révolution) ; enfin le soleil tourne sur lui-même, dans le même sens encore que tous les astres du système.
La Terre, notre globe, que l’on peut appeler le domaine du genre humain, est donc animée, pour sa part, de deux mouvements : la rotation autour de ses pôles, en 24 heures, qui nous donne la succession des jours et des nuits ; la révolution autour du soleil, en 365 jours ou une année environ, qui nous donne la succession des saisons.
Grâce à des globes en relief ingénieusement disposés, grâce à des projections fort saisissables, il fut facile, croyons-nous, aux moins préparés d’entre les assistants de s’initier, vendredi dernier, à ce mécanisme si simple du double mouvement terrestre. Il fut aisé de concevoir comment l’axe autour duquel la terre effectue sa rotation, incliné par rapport au soleil, conserve, pendant la révolution annuelle, toujours la même direction, se meut, comme l’on dit, parallèlement à lui-même. ; et l’on put, pour ainsi dire, constater de visu que la conséquence de ce mouvement est de faire pencher vers l’astre du jour, tantôt un hémisphère terrestre, tantôt l’autre.
En ce moment, au mois de décembre, c’est l’hémisphère austral ou sud, qui jouit de cette avantageuse position ; c’est lui que l’inclinaison de l’astre fait pencher vers le soleil : c’est pour lui la belle saison, les jours longs et chauds, l‘été en un mot.
L’hémisphère boréal ou nord – le nôtre – est, au contraire, comme rejeté en dehors par rapport au soleil ; pour nous c’est la saison des jours courts et froids, c’est l‘hiver.
Le troisième astre étudié dans la leçon que nous résumons, c’est le satellite de la terre : la Lune, petit globe qui tourne incessamment autour de nous, et qui met un peu moins d’un mois à accomplir cette révolution, traçant ainsi une courbe presque circulaire et ne s’éloignant jamais à plus de 100.000 lieues de la terre, dont elle est, pour le volume, à peu près la cinquantième partie.
Par suite des mouvements qui animent les trois astres dont nous venons de parler, les positions relatives de ces astres sont parfois telles que l’un d’entre eux vient à passer exactement entre les deux autres. Les trois corps sont alors en ligne droite ; et l’on conçoit que celui du milieu, faisant inévitablement écran, cause ainsi des éclipses.
Si la Lune passe entre la Terre et le Soleil, elle nous cache celui-ci : c’est une éclipse de soleil ; si la Terre est entre la Lune et le Soleil, au contraire, elle empêche les rayons de ce dernier d’arriver au satellite : c’est une éclipse de lune. Le professeur nous expliqua comment les éclipses ne peuvent pas se produire à chaque révolution de la Lune autour de la Terre, parce que cette révolution s’accomplit obliquement, par rapport au Soleil et que, par suite, dans le plus grand nombre de ses passages, la Lune est ou un peu trop haut ou un peu trop bas pour qu’il y ait éclipse.
Mais comment, sans le secours des globes et des projections, sans l’aide au moins de figures, faire saisir ces simples conséquences de mouvements très simples en eux-mêmes ? Nous n’espérons pas y réussir et nous aimons mieux rappeler rapidement l’exposé que fit M. Reynaud des phénomènes remarquables qui accompagnent les éclipses. Celles-ci, on le sait, peuvent être partielles ou totales, selon que le corps éclipsé est caché en partie ou entièrement.
Dans les éclipses totales de lune, le disque lunaire ne disparaît cependant pas toujours complètement ; il conserve souvent une teinte rougeâtre, que les anciens trouvaient effrayante, et qui est due simplement à la réfraction de quelques rayons solaires sur les bords de l’atmosphère terrestre.
Dans les éclipses totales du soleil, un phénomène bien curieux se produit au moment où le disque incandescent disparaît derrière le petit globe lunaire. Ce phénomène, reproduit à nos yeux par une belle projection, consiste dans l’apparition soudaine, au moment de la totalité, d’une splendide couronne lumineuse autour du limbe obscurci de l’astre du jour.
Dans tous les mémoires relatifs aux éclipses totales, il est fait mention de cette couronne. Arago la compare aux gloires dont les peintres entourent la tête des saints.
On ne doute plus aujourd’hui que cet immense rayonnement lumineux, effacé dans les circonstances ordinaires par l’éblouissante ardeur des feux du disque solaire, ne soit dû à une vaste atmosphère, qui entoure le soleil et s’élève jusqu’à une prodigieuse hauteur.
L’Analyse spectrale, nous dit M. Reynaud – cette merveilleuse méthode d’investigation par la lumière, dont nous avons parlé dans nos leçons de sciences physiques – a permis d’y découvrir la présence certaine d’un corps qui existe aussi sur la terre, que déjà nous avons étudié : l‘hydrogène.”
Ainsi, il a suffi de braquer un télescope sur cette couronne flamboyante, d’ajouter à ce télescope un prisme, pour reconnaître que cet océan de feu n’est autre chose qu’une masse gazeuse enflammée où l’hydrogène domine !
Après cet exposé des phénomènes qui accompagnent les éclipses, M. Reynaud ramena sur la terre l’attention de ses auditeurs.
Dans une intéressante esquisse, il présenta les hypothèses les plus probantes de la science touchant la formation et les évolutions primitives de notre globe. Comparant la terre d’autrefois à la terre d’aujourd’hui, il dit comment son aplatissement actuel vers ses pôles, la chaleur qu’elle laisse découvrir à son centre et qui, de nos jours encore, doit maintenir tout le noyau en fusion, tendent à prouver que primitivement, à une température inouïe, la terre fut d’abord une immense sphère gazeuse, puis un globe liquide entouré d’une lourde et épaisse atmosphère. Etudiant la belle théorie due au génie de Laplace, il nous fit assister, par la pensée, aux phases successives du refroidissement de cette masse incandescente qui, dans sa course incessante au travers des espaces froids où elle se meut, perd peu à peu sa chaleur, se concrète, se fige, pour ainsi dire, à la surface ; il nous fit remarquer les conséquences inévitables de ce refroidissement : - la contraction intérieure qui fait rider la surface, déjà faiblement solidifiée _ la précipitation des vapeurs métalliques et terreuses de sa lourde atmosphère qui s’éclaircit et s’épure – la condensation des énormes quantités de vapeur d’eau qui , tombant sur le sol encore brûlant, s’évaporent aussitôt, s’élèvent derechef et, par un mouvement de va-et-vient, servent à transporter en quelque sorte la chaleur dans les espaces célestes, aux dépens du globe, dont le refroidissement est ainsi accéléré au point que bientôt la température permet à l’eau d’occuper presque toute la surface ; les actions chimiques intérieures continuant seulement à bouleverser çà et là la masse, formant les montagnes des soulèvements du sol, et les volcans de ses déchirements !
Ainsi fut formé le premier terrain, base et première assise de tous les autres qui, depuis, d’étages en étages, sont venue augmenter la stabilité de cette pellicule où nous sommes, de cette mince enveloppe que nous nommons notre sol !
“Telle est, dit le professeur, l’hypothèse de Laplace, hypothèse si probante, si bien en harmonie avec tous les faits observés, qu’elle n’a fait, pour ainsi dire, que s’affirmer par les travaux récents de la science ; mais hypothèse enfin, c’est-à-dire probabilité et non certitude ; toujours discutable, par conséquent ; impropre à devenir la base rigoureuse d’un système absolu : car la science a tout à gagner à se garder des affirmations présomptueuses, la science a tout à gagner à conserver cette sage réserve qui met à part ce qui n’est pas rigoureusement démontré et ne cherche jamais à l’ériger en système. Le véritable esprit scientifique consiste à faire soigneusement deux parts dans les explications que la science met au jour, disant : des faits observés résulte ceci certainement, et cela probablement !”
Mais revenons à notre premier terrain. La roche qui le compose, le granite, était presque entièrement alors recouverte par le vaste océan. Une belle carte par projection nous montra l’état, dans ces temps reculés, de ce qui devait devenir la France. Un îlot émerge au centre : ce sera plus tard le Plateau central, véritable noyau de notre chère patrie, berceau aussi de notre petite patrie : le Velay. – A gauche, quelques roches émergent, qui seront la Bretagne et la Vendée ; - à droite, une longue bande qui sera la base de la chaîne des Alpes, puis un petit îlot allongé au nord-est qui, dans l’avenir, formera l’un des flancs de la chaîne des Vosges ; - au sud, des pointes éparses qui, réunies, deviendront les Pyrénées. Et… c’est là, à peu près, toute la France d’alors !
“Comment, par les dépôts qui s’y accumulèrent, par les retraits des eaux, par les soulèvements des terres, ces îlots de granite, presque entièrement submergés, devinrent-ils notre fertile France d’aujourd’hui ? Comment se formèrent les continents ? Comment notre globe se couvrit-il de végétaux et d’animaux ? C’est, dit en terminant M. Reynaud, ce que nous aurons à étudier dans les leçons à venir.”