Description d’une invention faite par É. Reynaud, professeur de Sciences, au Puy (Hte-Loire)
Annexée à sa demande d’un brevet d’invention en date du 30 août 1877 pour un appareil destiné à obtenir l’illusion du mouvement au moyen de glaces mobiles.[1]

Le but spécial de cette invention est de produire l’illusion du mouvement à l’aide de dessins figurant les phases successives d’une action. Ce but est donc le même que celui de l’instrument dû à Mr Plateau et connu sous le nom de phénakisticope.
Mais le principe et les procédés de l’invention sont différents de ceux employés dans ce dernier appareil. Ils sont entièrement nouveaux et forment l’objet de notre brevet l’invention.

PRINCIPE :

Le principe étant est basé sur une loi optique des réflexions dans les miroirs plans nous devons d’abord donner ici une courte description technique.
Cette description est la reproduction de celle que nous avons adressée, sous pli cacheté, à l’Académie des Sciences, à Paris, le 20 juillet 1877. Invention de Mr E. Reynaud
Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 1Principe - Soit une glace plane AB placée à une certaine distance d’un dessin CD. L’image virtuelle sera vue en C’D’ (voir fig.1, à la planche de dessins ci-annexée).

Autour du point O, milieu de C’D’, comme centre, faisons tourner le dessin et la glace d’un même mouvement. Soient BE et DF leur nouvelle position, l’image sera en C”D”. Son axe O ne se sera pas déplacé.
Dans la position AB et CD, primitivement occupée par la glace et par le dessin, plaçons une autre glace et un autre dessin. Imaginons l’œil placé en M. Une moitié alors du 1er dessin sera vue en OD”. Une moitié du second dessin sera vue en OC’. Si à ce moment nous continuons la rotation du système, nous aurons bientôt la glace n°2 en TT’ et le dessin n°2 en SS’. A ce moment, le dessin n°2 sera vu en entier en C”’ D”’. Bientôt la glace n°2 et son dessin seront en BE et DF, alors imaginons une autre glace n°3 et son dessin en AB et CD, la même succession de phénomènes se reproduira.
Conséquences - Il résulte du principe ci-dessus qu’une série de dessins, placés sur le périmètre d’un polygone régulier d’un nombre quelconque de côtés, et tournant ensemble autour du centre même de ce polygone, seront vus successivement à ce centre, si l’on a placé des glaces planes sur un polygone concentrique dont l’apothème sera moitié moindre et qui sera entraîné par le même mouvement.
L’illusion optique bien connue fera paraître ces images comme appartenant à un seul et même dessin et ainsi il sera facile de produire l’illusion animée, en figurant sur les dessins les phases successives d’une action quelconque.
L’œil n’aura d’autre impression défavorable que celle d’un faible déplacement angulaire intermittent, autour de l’axe central, de l’image unique (de C’D’ en C”D”), déplacement dont l’angle correspondra au nombre de côtés du polygone, et sera d’autant plus faible que le nombre des côtés sera plus grand.

PROCÉDÉS :

Les procédés imaginés par l’inventeur pour réaliser, (en application du principe ci-dessus), l’instrument qui fait l’objet du brevet de l’invention, se composent essentiellement :

1° - d’un prisme droit régulier dont les faces sont formées par des surfaces planes réfléchissantes, en un mot par des miroirs plans, de quelque nature que ce soit. Ce prisme est disposé de façon à tourner autour de son axe.

2° - d’une série de dessins, de nature quelconque et en nombre égal au nombre des surfaces du prisme, ou plus grand ou plus petit que ce nombre selon l’effet à obtenir, mais disposés de façon à tourner solidairement avec le prisme de miroirs, et cela à une distance double exactement de la distance des miroirs eux-mêmes au centre commun de rotation.

FORME PRATIQUE :

Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 2Appareil dit de Salon
Sous sa forme pratique, nous appellerons le prisme à faces réfléchissantes : Cage de glaces.
Le Polygone de dessins sera ramené à la forme circulaire et prendra le nom de Couronne.
La Cage de glaces AB est placée sur un pivot, fixé lui-même sur un pied ou support quelconque. (Voy. Fig. 2 sur la planche de dessins annexée). Elle repose sur un plateau CD sur lequel elle est fixée soit définitivement, soit de façon à pouvoir être enlevée et remise en place à volonté.

Sur les bords de ce plateau repose de la même manière la Couronne EFG qui porte les dessins. Ceux-ci sont mobiles et peuvent être changés à volonté.
La couronne a un diamètre double de la cage de glaces.
L’instrument est mis en mouvement soit avec le doigt de l’observateur, soit par un mécanisme d’horlogerie, soit par un moteur électrique, etc.
Telle est la forme essentielle de l’instrument, dès aujourd’hui réalisée, dans plusieurs grandeurs par l’inventeur.
Mais toute autre disposition qui sera l’application du même principe est nécessairement comprise dans le brevet l’invention, en un mot l’objet du présent brevet de cette invention est :
l’invention d’une cage ou prisme de glaces disposé suivant les conditions géométriques et optiques ci-dessus, et réuni à des dessins figurant les phases successives d’une action, de manière à produire, dans des conditions absolument nouvelles l’illusion du mouvement.
Comme application de cette invention, l’inventeur s’occupe en ce moment de réaliser

Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 3
1° - La disposition d’un écran mobile qui permet de soustraire aux regards les images latérales en laissant seulement apparaître l’image centrale animée. (fig. 3)
Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 4



2° - Appareil stéréoscopique. La réunion de deux cages de glaces et deux couronnes de dessins pour obtenir par l’addition d’un stéréoscope l’illusion du relief en même temps que l’illusion du mouvement. (fig. 4)





Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 53° - Appareil à projection. La réunion d’une cage de glaces, d’une couronne de dessins transparents, éclairés d’une vive lumière quelconque, et d’un ou plusieurs objectifs pour obtenir la projection, à une échelle agrandie, des images animées. (fig. 5)


Dessin annexé au brevet n° 120.484 - figure 64° - La disposition d’un support central, au-dessus de la cage de glaces, pour permettre l’éclairage, par lampe ou bougie, de l’appareil destiné à figurer sur la table du salon, etc. (fig. 6)

Toutes ces dispositions du même appareil sont réalisées ou en cours d’exécution par l’inventeur ; et les dessins ci-joints, avec leurs légendes, en expliquent le dispositif.

fait au Puy (Hte-Loire)
le 30 août 1877
signé Émile Reynaud
professeur de Sciences
39, place du Breuil
Le Puy.

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Sources

L’original de ce brevet et ses certificats d’additions sont déposés et conservés à l’Institut National de la Propriété Industrielle, 26bis rue de Saint-Pétersbourg, 75008 Paris

Notes

[1] Nous avons laissé volontairement les mots, phrases ou parties de phrases qui se trouvent être barrés dans le texte original.