Voici le discours prononcé par M. E. Reynaud à la suite de celui de M. le Maire du Puy, dans la séance d’ouverture du cours public de sciences physiques :

Chers élèves,
C’est l’industrie appuyée sur la science qui a imprimé au monde moderne la plupart de ses progrès.
L’industrie réclame aujourd’hui l’intelligence unie à l’instruction. L’ouvrier ne peut plus être un instrument aveugle, ne sachant ni penser ni raisonner sur ce qu’il exécute. Jeunes gens, écoutez les paroles que vous venez d’entendre, suivez ces sages conseils, préparez-vous à devenir des ouvriers habiles.
L’industrie d’un pays est condamnée à la ruine si elle ne sait utiliser les forces nouvelles, perfectionner ses procédés et surtout si elle ne s’applique à élever le niveau intellectuel et moral de ses productions.
Pour atteindre ce but, l’instruction est nécessaire.
Vous comprendrez donc, jeunes gens, l’importance des notions précises, exactes, que nous nous efforçons de vous donner dans ces leçons. C’est votre avenir matériel qui en dépend et vous serez, je n’en doute pas, reconnaissants envers vos professeurs si dévoués, envers les administrateurs de nos chères écoles.
Messieurs, et vous, Mesdames, qui conduisez ici vos fils et vos filles, j’ai l’espérance que l’étude des phénomènes naturels, qui forme l’objet spécial de ce cours public, développera surtout en eux le sentiment de l’ordre, je dirais presque une discipline de l’esprit, mais une discipline éclairée et intelligente, par le spectacle de cette harmonie, de cette constance des lois, qui ne peut échapper à celui dont l’esprit s’applique à comprendre la nature.
Sans doute, la science ne nous donne pas le secret de toutes choses. “La science, - dit un des chefs d’une grande école scientifique moderne (M. Broca), - ne nous a rien appris sur l’origine première des choses ; si haut et si loin qu’elle nous conduise, elle nous amène toujours devant l’inconnu.”
Elle ne nous donne, comme disait Montaigne, le tout de rien. Mais il n’en est pas moins évident qu’elle a son côté moral aussi.
“Comment, - disait un grand penseur que nous nous honorons d’avoir connu (M. Perdonnet), - comment, en étudiant les merveilles de la Création, ne pas remonter au Créateur ? Comment n’être pas saisi d’admiration par le spectacle de cet univers expliqué par un petit nombre de lois d’une majestueuse simplicité !”
“L’esprit scientifique n’est autre chose en soi que l’instinct du travail et de la patience, le sentiment de l’ordre, de la réalité, de la mesure et l’on conviendra qu’entendu de la sorte, rien ne saurait être plus salutaire aux hommes.”
Ai-je besoin d’insister sur l’importance sociale de la science ? Partout aujourd’hui dans le travail matériel, l’effort brutal est demandé aux moteurs mécaniques, à la machine.
Mal comprise au début, cette révolution, qu’apportait dans le monde le génie fécond de l’industrie, semblait devoir condamner à l’inaction bien des bras avides de travail, et, mal éclairé, on condamnait les machines. Mieux éclairés aujourd’hui, nous savons que les machines, en diminuant le prix de revient, agrandissent les débouchés et élargissent dans la même proportion cette partie du travail industriel qui ne pourra jamais se passer de la main d’œuvre humaine.
Les chemins de fer n’ont supprimé ni les voitures ni les canaux. Qui connaîtra le nombre des bras occupés aujourd’hui par ces démons pacifiques de fer et de feu qui s’élancent sur nos rails ! Et chacun d’eux cependant égale en puissance plusieurs centaines de chevaux !

Exposant ensuite l’ensemble du programme qu’il se propose de suivre cet hiver, M. Reynaud expose ainsi le but général des sciences physiques qui forment l’objet des cours.

Quand on parle de physique aux personnes étrangères à l’étude de la nature, on éveille le plus souvent dans leur esprit la pensée de faits extraordinaires, qui se produisent seulement à l’aide d’appareils compliqués : il semble que l’on entre sur un terrain réservé, éloigné de ce qui se passe dans notre existence journalière.
La physique, ou plutôt les sciences physiques n’ont, au contraire, d’autre objet que ce qui est constamment sous nos yeux, ce qui enveloppe tous os actes, à tous les instants de notre vie, dont chaque être, chaque corps ne cessent de subir les lois.
Les instruments qu’emploie le physicien, le chimiste, ne sont destinés qu’à mettre en évidence les phénomènes. La science n’est que la recherche de leur enchaînement.
En étudiant ensemble ces agents naturels, ces forces sans cesse agissantes que l’on nomme chaleur, lumière, attraction moléculaire, affinité chimique, électricité, nous ne ferons que pénétrer le secret des principales propriétés des corps, nous ne ferons que nous familiariser avec ce qui nous entoure, avec ce que tous, artisans, ouvriers, chercheurs de la science, nous avons besoin de connaître, besoin de comprendre.
[…]
Ce sera un des plus beaux titres de gloire de notre siècle que d’avoir su découvrir le lien véritable qui les unit. Qu’est-ce donc que la chaleur ? Rien autre chose qu’une forme particulière du mouvement. Qu’est-ce que la lumière ? Un état vibratoire de la matière. Chaleur et lumière se communiquent sous forme d’ondes comme le son se propage autour du timbre frappé.

Montrant, par quelques exemples tirés du programme de cet hiver, comment la science envisage aujourd’hui les problèmes si importants de la force et du travail mécanique, le professeur cite l’exemple de la machine à vapeur, le plus remarquable exemple de ces transformations de forces, de ces métamorphoses de l‘énergie, si bien soumises au calcul, qui nous donne le secret des bonnes dispositions des organes, dans nos outils, dans nos instruments de recherche.

J’ai insisté un peu longuement, dit enfin M. Reynaud, et pendant que vous m’accordiez votre attention bienveillante, un mouvement nous entraînait, - car tout est en mouvement dans la nature. La Terre, ce globe de 40 millions de mètres de circonférence, qu’une mince nappe d’eau recouvre et qu’enveloppe une diaphane atmosphère, nous emportant avec elle dans l’espace sur la courbe de son orbite sans cesse infléchie par l’attraction puissante du Soleil, a parcouru plus de 25 mille lieues ! C’est son trajet d’une heure !
Et le professeur termina sur cette parole, en remerciant le public d’un empressement qui ne fera pas défaut, nous l’espérons, aux séances intéressantes que ces débuts semblent promettre.

COURS ILLUSTRÉ DE SCIENCES NATURELLES

A L’HOTEL DE VILLE.

Ouverture de la 2e année, le mercredi 19 janvier, à 8 heures précises.
(La salle est ouverte à 7h1/2.)

L’ASTRE TERRE
La Terre dans l’espace : Coup d’œil sur le système solaire. – Le Soleil et son cortège de planètes. – Le satellite de la Terre.

On souscrit chez Mme veuve Peyron, libraire, 41 place du Breuil.