Cette invention est relative à un appareil qui permet d’obtenir, sur une surface sensible continue unique, telle qu’une bande de cinématographe, des images successives reproduisant alternativement soit les poses successives d’un même objet sous deux angles différents, soit des objets différents.
Mon invention consiste en principe dans la combinaison, avec un appareil cinématographique, de deux surfaces réfléchissantes telles que des miroirs plans, convenablement écartés et inclinés et qui, alternativement, se présentent ou se découvrent en regard de l’objectif unique de l’appareil, pour impressionner les éléments successifs de la surface sensible à mouvement intermittent qui se déroule.
La figure 1 du dessin ci-joint est un schéma qui permet de comprendre ce principe.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 1 Soit o un objectif devant lequel est placé un miroir plan m incliné à 45°, par exemple. Une surface sensible s, placée au foyer convenable, recevra l’impression des objets situés en r et en recueillera l’image (inversée par la réflexion) telle qu’elle serait vue par un œil placé au point d. Si nous supposons qu’à un moment donné le miroir m disparaisse, et si un second miroir f a été disposé en arrière du premier avec la même inclinaison, ou une inclinaison peu différente, une nouvelle partie de la surface sensible, substituée à la première, recevra du même objectif o demeuré fixe, l’impression des mêmes objets r et en recueillera l’image telle qu’elle serait vue par un œil placé au point g.

Si alors le miroir m reprend sa position primitive pendant qu’une nouvelle partie de la surface sensible vient se placer derrière l’objectif, une nouvelle image, correspondant à l’œil d, sera recueillie, et ainsi de suite alternativement. L’ensemble formera une double série de poses alternées à la fois cinématographiques par la succession des images et stéréoscopiques par leur différence d’angle visuel.
Mais cette disposition optique de deux miroirs ne peut donner un résultat pratique qu’à la condition que le miroir m, en disparaissant et en reprenant sa place successivement, maintienne cependant, pendant le temps nécessaire à l’impression, l’image des objets immobile devant l’objectif.
Cette condition peut être réalisée de deux manières différentes :
1° On peut arrêter le miroir mobile pendant la durée de l’impression et lui communiquer ensuite un rapide mouvement latéral ou de bascule pendant que l’objectif est obturé de façon que le miroir d’arrière soit démasqué au moment où commence l’impression suivante ; après quoi un effet inverse le ramène à sa position primitive pendant l’obturation suivante de l’objectif. Le miroir devra se retrouver dans cette position exactement au moment où commence l’impression suivante.
2° On peut disposer le miroir mobile m sur un axe de rotation, de façon que le plan de ce miroir soit exactement perpendiculaire audit axe. La surface du miroir recevra alors la forme d’un ou de plusieurs secteurs, séparés par un ou plusieurs secteurs vides.

Dans ces conditions la rotation du système déplacera le miroir secteur dans son propre plan en laissant immobile son image virtuelle. La disposition préférable étant celle de deux miroirs secteurs disposés symétriquement et séparés par deux secteurs vides, je décrirai en détails, à titre d’exemple, cette dernière forme d’exécution de mon invention.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 2La figure 2 est une vue en perspective du miroir mobile constitué par deux secteurs 1, 2, laissant entre eux les deux secteurs vides semblables 3, 4. Le miroir est monté sur un axe rigide a et placé, comme le montre la figure 3, devant l’objectif o de façon que le champ de ce dernier soit recouvert par l’un des secteurs, le plan des secteurs étant incliné à 45° par rapport à l’axe de l’objectif.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 3 Le miroir fixe f est placé en arrière du miroir mobile à une distance déterminée par la différence d’angle visuel que l’on désire donner aux deux séries d’images.
Il suffit de relier mécaniquement le système mobile du miroir à secteurs avec le mouvement d’entraînement de la surface sensible s, par l’intermédiaire d’engrenages convenables de façon à communiquer audit miroir un mouvement de rotation correspondant à l’impression de quatre poses par tour complet.
Dans ces conditions le déroulement de chacune des poses de la surface sensible communiquera une rotation d’un quart de tour au miroir à secteurs amenant ainsi, pour chaque pose devant l’objectif, alternativement un nouveau secteur vide et un secteur plein et démasquant en temps utile le miroir fixe f.
L’ensemble de l’appareil est représenté respectivement en coupe-élévation et en plan-coupe par les figures 4-5 du dessin.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 4

Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 5
b est une boîte comprenant à l’arrière une chambre noire c d’appareil cinématographique, de construction connue quelconque. Par un mécanisme connu, on fait dérouler devant l’objectif unique o la bande sensible s. Devant l’objectif se trouve disposé dans un compartiment e l’axe a portant le miroir mobile m à secteurs 1, 2. L’arbre a est porté par un support approprié h, et porte, calé sur lui, un pignon conique qui engrène avec un pignon semblable i calé sur un arbre vertical l qui reçoit son mouvement du mécanisme de déroulement de la pellicule s, par l’intermédiaire des pignons 5, 6, 8, et de l’arbre horizontal 7. f est le miroir fixe disposé parallèlement au miroir mobile dans le compartiment t de la boîte b. Les compartiments e et t communiquent par un orifice u.
Le même appareil qui, par application des principes précédents, permet d’obtenir des vues stéréocinématographiques à l’aide d’un seul objectif et par une seule bande négative, peut également servir à les projeter, après leur transformation en bande positive par les procédés ordinaires des tirages photographiques, et à produire ainsi l’illusion animée en relief.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 6 La figure 6 représente en plan, un schéma d’une disposition que l’on peut employer à cet effet.
Émanant d’une lanterne à projection q, un faisceau convenable v traversera les poses et l’objectif o et se réfléchira, alternativement suivant v1 v1 et v2 v2, sur les miroirs mobile et fixe, par l’effet même du déroulement de la bande, de façon que le miroir mobile projetant par exemple sur l’écran 10, les images relatives à l’œil droit, le miroir fixe projettera les images relatives à l’œil gauche.

Une inclinaison convenablement donnée une fois pour toutes suivant f1 au miroir fixe f, (fig. 4), permettra de faire apparaitre sur l’écran les images de gauche à gauche en 11 et les images de droite à droite en 12. La projection des deux séries d’images produira dans ces conditions l’apparition sur l’écran d’une image double, semblable à une épreuve stéréoscopique ordinaire agrandie. Pour donner aux spectateurs l’illusion du relief en même temps que l’illusion du mouvement, il suffira de disposer devant chacun d’eux un système optique fixe analogue aux prismes des stéréoscopes, qui, déviant vers le milieu chacune des deux séries d’images mitoyennes, les superposera pour les spectateurs, comme dans un stéréoscope ordinaire. La rapidité de la succession des images alternatives donne l’illusion de leur simultanéité. La bande stéréocinématographique peut encore être projetée dans un appareil cinématographique simple qui superposera sur l’écran les deux séries d’images alternées. Dans ce cas la projection observée directement apparaîtra comme une projection cinématographique ordinaire. La sélection, pour chaque œil, de la série d’images correspondante, sera alors obtenue soit par un écran rotatif ou oscillatoire qui démasquera alternativement les images pour chaque œil en concordance avec leur apparition ; soit par tout moyen mécanique ou optique produisant cette sélection nécessaire.
En dehors de la production et de la projection d’images stéréocinématographiques le principe et l’appareil que j’ai imaginés sont encore susceptibles des applications suivantes :
1° On peut obtenir sur une même bande et par un seul objectif des séries de poses cinématographiques de sujets différents et diversement situés.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 7 En effet si l’on supprime le compartiment t et le miroir fixe f, on obtiendra sur la bande, comme l’indique le schéma de la figure 7, les images alternées, à la fois des objets placés en x par exemple et de ceux placés en y qui seront photographiés directement ; les premiers étant réfléchis par les secteurs 1, 2, du miroir mobile, les seconds envoyant leurs rayons au moment du passage des secteurs 3, 4, devant l’objectif o.
2° Sans supprimer le miroir fixe, si, comme l’indique en traits mixtes la figure 7, on lui donne une inclinaison dans le compartiment t, inverse de celle du miroir m, on obtiendra les images alternées des objets situés aux points opposés x et z.
Dessin annexé au brevet n° 322.825 - figure 8 3° Enfin, si, comme le représente en schéma la figure 8, on donne au miroir fixe f une inclinaison f1 un peu différente de celle du miroir mobile m, on obtiendra, sur la même bande et par poses alternées, l’image des objets situés en x et de ceux contigus situés en y.
Cette double série d’images projetée ensuite, en conservant la déviation convenable du miroir fixe, produira sur l’écran une projection cinépanoramique, constituée par les deux séries d’images accolées, et par suite d’un champ double en largeur de celui de l’image simple.
Il va sans dire que les détails de construction de mon invention pourront varier sans en altérer le principe. C’est ainsi que les surfaces réfléchissantes qui se découvrent ou se présentent alternativement sous l’angle voulu devant l’objectif, peuvent être constituées par des prismes. Le mode de déplacement des miroirs ou prismes, et la transmission de mouvement entre ces derniers et le mécanisme de déroulement de la pellicule du cinématographe, pourront être modifiés à volonté.

EN RÉSUMÉ, je revendique :
1° La combinaison, avec un appareil cinématographique, de deux surfaces réfléchissantes, miroirs plans ou prismes, convenablement écartés et inclinés par rapport à l’objectif unique et qui alternativement se présentent ou se découvrent en regard de ce dernier pour impressionner les éléments successifs de la surface sensible à mouvement intermittent qui se déroule.
2° Une forme d’exécution du dispositif caractérisé comme il est dit au paragraphe précédent, dans laquelle les deux surfaces réfléchissantes sont constituées respectivement par un miroir plan fixe f et par un miroir mobile m tournant entre le miroir fixe et l’objectif et découpé de manière à présenter alternativement des secteurs pleins et vides ; ce dispositif permettant, suivant les inclinaisons relatives données au miroir fixe et au miroir mobile, d’imprimer alternativement sur les éléments successifs de la bande sensible, soit des images d’un même objet sous deux angles visuels différents, soit deux images contiguës différentes, soit enfin les images de deux objets situés face à face de part et d’autre de l’appareil.
3° La combinaison avec un appareil cinématographique d’un miroir plan mobile à secteurs alternativement pleins et vides et qui, convenablement incliné par rapport à l’objectif unique, permet d’imprimer, sur les éléments successifs d’une même bande sensible, alternativement les images de deux objets situés dans deux plans perpendiculaires.

Paris, le 9 juillet 1902.
Par procuration de M. Émile Reynaud :
Émile BERT

Imprimerie Nationale - Pour la vente, s’adresser à la SOCIÉTÉ BELIN ET Cie, 52, rue de Vaugirard. Paris (6)

Aller à la page des Portraits stéréoscopiques animés
Voir les autres brevets et certificats d’additions


Sources

L’original de ce brevet est déposé et conservé à l’Institut National de la Propriété Industrielle, 26bis rue de Saint-Pétersbourg, 75008 Paris