La dernière séance du cours de sciences physiques avait pour objet l‘eau, au point de vue chimique. Réservant pour une prochaine leçon l’exposé des phénomènes naturels dans lesquels l’eau joue un rôle important, des usages si nombreux et si divers qu’elle reçoit dans l’industrie et les arts, soit à l’état liquide, à l’état de vapeur ou à l’état de glace, le professeur consacra la soirée de lundi dernier à l’étude des premières découvertes, des expériences mémorables qui, grâce aux travaux des Lémery, des Cavendish, des Lavoisier, donnèrent à la science le secret de la nature chimique d’un corps que les anciens avaient classé au nombre des éléments.
M. Reynaud répéta devant nous les expériences de ces savants de génie : de Robert Boyle qui, dès la fin du XVII° siècle, découvre qu’il se dégage un gaz, lorsqu’on met en contact du zinc et un mélange d’eau et de vitriol ; de Lémery qui, peu de temps après, reconnaît que le gaz ainsi dégagé est inflammable ; de Lavoisier, l’immortel fondateur de la chimie moderne, qui s’assure par les investigations les plus délicates, poursuivies avec la plus rare sagacité, que le gaz inflammable est l’un des deux éléments composant l’eau elle-même, qui donne alors à ce gaz le nom d‘hydrogène (j’engendre l’eau) et reconnaît enfin que le second élément de l’eau est précisément cet oxygène, déjà découvert dans l’air atmosphérique.
Ayant mis sous nos yeux les remarquables procédés d’analyse de l’eau par le potassium, par le fer chauffé au rouge, et isolé ainsi ce gaz hydrogène qui, uni à l’oxygène, forme l’eau, le professeur termina la leçon en nous parlant des propriétés remarquables de l’hydrogène.
Ce gaz est d’une si grande légèreté que son poids est 14 fois et ½ moindre que celui de l’air atmosphérique ; aussi fut-il utilisé par le physicien Charles vers la fin du siècle dernier, pour gonfler les aérostats et leur donner cette force ascensionnelle qui les fait s’élever dans les airs, sans toutefois jusqu’à présent pouvoir y être dirigés.
Le gaz hydrogène entre aussi dans la composition de la houille, et quelquefois se dégage spontanément dans les galeries de mines où s’exploite le précieux combustible. Le mélange d’air et d’hydrogène, qui remplit alors la galerie, est très inflammable ; et il serait extrêmement dangereux de pénétrer dans une mine ainsi remplie de ce feu grizou qui, s’il vient à s’enflammer, peut causer de si grands ravages. Mais la science sait souvent trouver le remède à côté du danger ; et c’est ainsi qu’utilisant la remarquable propriété des toiles métalliques de ne pas se laisser traverser par la flamme, Davy, un chimiste anglais, inventa la lampe de sûreté des mineurs, qui permet à ces laborieux ouvriers de pénétrer dans la mine infestée, de s’y diriger à la lueur de la lampe précieuse, sans communiquer le feu au grizou. La lampe de Davy a déjà sauvé bien des victimes de ce redoutable fléau des mineurs. « C’est, disait en terminant M. Reynaud, une de ces simples inventions qui honorent l’humanité. »