Dans notre livraison du 1er février 1879, nous avons donné la description d’un appareil produisant l’illusion du mouvement. Il s’agit du praxinoscope, inventé par M. Reynaud et qui nous a paru présenter une curieuse application d’une disposition optique très ingénieuse.
Le succès qui a accueilli cet intéressant jouet scientifique, nous engage à signaler aujourd’hui à nos lecteurs une addition au modèle déjà décrit.
Les appareils qui produisent l’illusion du mouvement à l’aide de figures répétées dans des attitudes diverses, ne donnaient jusqu’à présent que de simples images animées, auxquelles manquait le relief sur le fond, qui restait toujours un simple papier blanc.
Dans le praxinoscope-théâtre, au contraire, M. Reynaud a réussi à produire de véritables tableaux avec décors comme sur une petite scène lilliputienne, au milieu de laquelle se détache avec un relief saisissant le sujet animé.
Pour parvenir à ce résultat, l’inventeur commence par silhouetter entièrement en noir chacune des poses différentes dont l’ensemble doit former un sujet qui s’animera pour la rotation imprimée au praxinoscope.
Puis, pour obtenir le décor, il projette sur le fond noir ainsi produit l’image d’un dessin colorié approprié, à l’aide d’une glace sans tain. On connaît la propriété d’un verre ou d’une glace transparente de donner par réflexion une image des objets situés en deçà et de laisser voir en même temps les objets situés au-delà. On se rappelle les applications que cet effet d’optique a reçues dans les théâtres et dans les cours de physique sous le nom de spectres impalpables.
C’est aussi par réflexion sur une mince glace non étamée que M. Reynaud obtient l’image du décor dans le praxinoscope-théâtre.
En réalité, le décors est placé dans le couvercle qui, retenu verticalement par un crochet, forme la paroi antérieure de l’appareil (Voir la figure ci-dessous).
Le Praxinoscope-Théâtre - gravure de la Nature n°345 du 7 février 1880 A cette paroi est aussi pratiquée une ouverture rectangulaire par laquelle le spectateur (regardant des deux yeux à la fois) aperçoit en même temps, et l’image animée du praxinoscope et l’image immobile du décor se réfléchissant sur la glace sans tain.
L’inclinaison de celle-ci et sa distance au décor sont telles que cette image est reportée en arrière du sujet animé, lequel, par suite, apparaît avec un relief réel sur le décor. La vision se faisant des deux yeux, rend ce relief très sensible.
On comprend que pour changer le décor il suffit de placer successivement dans une coulisse et sur une petite planchette ad hoc, les chromos représentant des paysages, des monuments, l’intérieur d’un cirque, etc. Il est alors facile de choisir un cadre convenable pour chacun des différents objets animés placés dans le praxinoscope.
Par cette heureuse et toute nouvelle combinaison optique, le mécanisme de l’appareil disparaît aux yeux pour ne laisser visible que l’effet produit de personnages animés, exécutant leurs mouvements, prenant leurs ébats au milieu d’un décor changeant à volonté.
Le praxinoscope-théâtre fonctionne aussi bien le soir que le jour. Le jour, il suffit de placer l’appareil devant une fenêtre bien éclairée; le soir, on obtiendra des effets, avec plus d’éclat peut-être encore, en plaçant simplement sur le bougeoir du praxinoscope une bougie munie d’un petit réflecteur argenté et d’un abat-jour.
L’illusion produite par ce jouet scientifique est très complète et très curieuse ; on ne saurait trop féliciter M. Reynaud de si bien appliquer ses connaissances de la physique, à la confection d’un instrument qui est tout à la fois un appareil d’optique et un charmant objet de divertissement.

En images :

La Nature n°349 - 7 février 1880 - Page 147La Nature n°349 - 7 février 1880 - Page 148

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